L’émotion est-elle compatible avec le numérique ? En posant cette question, ce sont les limites de la médiation numérique que l’on interroge. S’il est aujourd’hui admis que certaines formes d’intelligence sont programmables et rendent les machines productives de manière quasi-autonome, l’émotion reste l’attribut humain le plus difficile à modéliser, à virtualiser et à synthétiser. Même si la notion d’émotion artificielle cherche encore ses ancrages théoriques et expérimentaux, on peut considérer que l’environnement technologique a un impact important sur les comportements, les humeurs, les sensations et émotions des individus. La médiation homme-machine concurrence fortement la médiation humaine traditionnelle dans les rapports amicaux, ludiques, pédagogiques ou encore dans les pratiques artistiques ou les activités professionnelles. L’espace de vie, d’apprentissage, d’action et de relation devient, et cela encore bien davantage pour les « digital natives », un espace hybride qui se nourrit à la fois d’un certain décollement de la réalité et paradoxalement aussi d’une réinscription territoriale inédite par la géolocalisation des données personnelles. C’est un espace hybride où les informations apportées par la réalité sont augmentées par celles provenant de l’immersion dans un univers immatériel, proposées par les ressources informationnelles massives disponibles sur internet. Par ailleurs, la dominance des interactions exclusivement et directement humaines est remplacée par un va et vient entre les interactions humaines et celles assistées par ordinateurs, ou par des machines et objets communicants.