Comment réinvestir, redéfinir et co-construire la notion d’humanisme à l’ère numérique à travers ses valeurs, ses diversités à préserver et à créer ?

Les avancées technologiques et scientifiques de ces dernières années suivent un développement exponentiel, et les sciences et les savoirs convergent pour ouvrir de nouveaux champs d’investigation. Les NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Intelligence artificielle et sciences Cognitives) vont constituer le socle de développement de nos futures humanités.

La généralisation du numérique à l’ensemble des activités humaines imprègne profondément nos modes de vie et, en conséquence, nos modes de représentations mentales et les modèles qui y sont associés. La place de plus en plus importante de la virtualisation, de la géolocalisation et l’usage permanent des machines et objets communiquants produisent de nouvelles habitudes d’interaction à travers des protocoles qui nous restent souvent opaques. Nous intégrons, sans résistance et conscience particulières, ces protocoles qui tissent en nous un rapport inédit aux interfaces, aux ordinateurs, et à toute innovation technologique, qu’elle soit pour un usage professionnel, domestique, médical, pédagogique, artistique ou ludique. L’espace de vie, d’apprentissage, de soin, d’action et de relation devient et cela encore bien davantage pour les digital natives, un espace hybride qui se nourrit à la fois d’un certain décollement de la réalité et paradoxalement d’une réinscription territoriale inédite par la géolocalisation des données personnelles. Nos modèles technologiques, économiques et sociétaux se transforment sans que l’on interroge collectivement leurs effets civilisationnels.

Pour la première fois, les êtres humains sont en mesure de créer un environnement virtualisé et la génétique permet de créer de nouvelles formes du vivant, pendant que les nanotechnologies créent de nouveaux matériaux. Les grands fournisseurs de technologies promettent un monde totalement interconnecté où l’homme déploierait pleinement ses capacités physiques, intellectuelles, sensorielles ou encore existentielles. Les industries ambitionnent de dépasser les performances d’intelligence artificielle, en dupliquant l’ensemble des capacités cognitives et émotionnelles produites par le cerveau humain. Les nouvelles interfaces proposent des formes de communication sensorielle inédites, pour conjuguer l’homme et la machine. Les supports numériques se démultiplient et se rapprochent toujours plus du corps. La technologisation des corps se substituera-t-elle à la multiplication contemporaine des objets embarqués dans notre vie quotidienne ? Ces perspectives donnent une grande actualité aux visions déjà affichées des différents acteurs du numérique, du transhumanisme au slow movement, de la science-fiction aux performances hybrides. Elles soulèvent de multiples questions éthiques, sociales ou encore économiques qu’il est primordial d’identifier et d’analyser afin d’ouvrir le débat sur des politiques et des modèles de développement qui soient porteurs de progrès pour l’humanité.

Ghislaine Azémard