Entretien avec Ghislaine AZÉMARD
Professeure des universités,
Titulaire de la chaire UNESCO Innovation, Transmission Edition Numériques,
Directrice du programme Idefi CréaTIC,
Organisatrice du colloque « Humanisme numérique : valeurs et modèles pour demain ?»

 

Ce colloque n’est que le premier temps d’un travail envisagé sur la durée ?

Oui effectivement, pour prolonger cette démarche interdisciplinaire et multiculturelle, pour réfléchir l’humanisme numérique dans sa complexité, nous allons travailler sur quelques objectifs qui ont été interrogés pendant le colloque et que nous allons prolonger sous d’autres formes à l’avenir. J’en ai présenté 7 dans l’intervention inaugurale :

1. Enrichir un cadre théorique interdisciplinaire pour expliquer les processus de symbolisation contemporains, ainsi que leurs mutations.

2. Ouvrir un espace interculturel d’échanges et de débats sur une des questions contemporaines majeures et que nous avons mis en exergue de notre colloque : « Comment réinvestir, redéfinir et co-construire la notion d’humanisme à l’ère numérique à travers ses valeurs, ses diversités, à préserver et à créer ? ».

3. Construire une base de connaissance à partir d’articles, de livres, d’entretiens vidéo réalisés avec des philosophes, des sociologues, des économistes, des artistes, des entrepreneurs, représentants de la société civile pour fournir les points de vue multiples et hétérogènes propres à permettre la construction d’un point de vue plus éclairé sur l’humanisme, le transhumanisme, et l’humanisme numérique.

4. Participer à l’éclosion et à la valorisation de nouvelles formes de création numérique.

5. Contribuer à développer des expérimentations, applications et des dispositifs dédiés à l’innovation sociale.

6. Engager un mouvement international pour promouvoir et essaimer une pédagogie humanisante.

7. Participer à l’élaboration d’une charte des droits numériques de l’homme.

Pourquoi avoir choisi le thème de l’humanisme numérique pour accueillir les 5ème rencontres internationales
des chaires UNESCO en SIC ORBICOM ?

L’humanisme numérique est un thème complexe qui est au cœur des préoccupations de chacun mais que les spécialistes en Sciences de la communication ne traitent pas habituellement aussi frontalement.

Cette thématique me paraît fondamentale et le fait qu’elle soit placée sous l’égide de l’UNESCO, institution conçue pour penser mondial, nous permet d’aborder les modèles de développement économiques et sociaux sans les tropismes habituels et les références trop courtes au transhumanisme googlien. J’ai le sentiment que ces questions trouvent dans cette configuration, ce que Derrida appelle un « espace légitime de travail et de réélaboration ».

Parce que les lectures, que les chercheurs d’Amérique latine, de Chine, d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Afrique, apportent sur cette thématique sont diverses, les points de vue peuvent diverger, et les échanges qu’ils suscitent nous obligent à dialectiser nos positions respectives. Même quand elles sont érudites, elles recouvrent des « allant de soi » spécifiques à nos cultures. Elles nous obligent donc à pratiquer le langage de l’intercuturalité.

Un intérêt supplémentaire pour discuter ces questions de l’humanisme numérique concerne nos pratiques professionnelles d’enseignant chercheur. Pour ma part, j’enseigne à l’université paris 8 en humanités numériques et j’ai la responsabilité de diriger le programme Idéfi CréaTIC. Idéfi signifie littéralement les initiatives d’excellence en formations innovantes, elles sont financées par l’Etat français dans le cadre des Investissement d’avenir.

Ces programmes nous invitent à faire du numérique un outil transformant pour l’université, transformant dans la manière dont on enseigne, la manière dont on insère les étudiants, dont on les forme aux métiers qui émergent et transformant dans les réponses que l’on peut apporter aux exigences des mutations en cours.

Nous sommes confrontés à la responsabilité de former nos étudiants, les futurs acteurs du numérique, les former à la veille technologique mais aussi au décryptage de l’écosystème économique, et aux enjeux sociaux de cette généralisation. Nous les invitons à la réalisation de nouvelles applications, de nouveaux services, nous les formons à répondre à des injonctions contradictoires qu’ils devront rendre compatibles : produire des dispositifs numériques d’innovation sociale, d’intérêt public, dans un contexte d’économie libérale et consumériste. La tâche de transmission est complexe.

Par ailleurs, dans le cadre des activités de recherche et d’expérimentation de la chaire UNESCO ITEN, nous sommes de plus en plus sollicités pour intervenir dans des consortiums avec des entreprises, des musées, des collectivités territoriales, des pôles de compétitivité, pour répondre à des appels d’offre de plus en plus nombreux. Nous souhaitons dans ce cadre, que la contribution académique apportée réponde non seulement aux attendus immédiats, techniques, stratégiques, économiques, mais aussi aux exigences philosophiques, éthiques, civilisationnelles en phase avec les profondes mutations liées à la mondialisation et la technologisation des activités humaines. Nous souhaitons également être en phase avec des valeurs de développement durable, d’innovation sociale, d’intérêt public, qui sont implicites à chacune de nos pratiques, de nos réalisations.

Nous nous positionnons résolument sur la zone névralgique du questionnement d’un point de vue plus performatif que constatif pour reprendre des catégories d’actions de Derrida, pour y voir plus clair, pour maintenir l’articulation théorie/pratique qui nous permet d’avoir à la fois une posture critique mais aussi participer aux inventions alternatives concrètement.

 



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